Le terme « Indexicalité » trouve son origine dans le mot anglais « indexicality » qui a été
proposé clairement par le linguiste Bar
Hillel, dans un article de 1954, contre toute tentative pour la « traduction automatisée
absolue ». A partir de cette affirmation la question a été reposée dans un colloque à la
Sorbonne : Une machine peut-elle produire quelle que soit la phrase source
une bonne traduction ?
. Si
la
bonne traduction veut dire
absolue alors aucune réponse n’est
encore concevable à nos jours.
Cette notion
d’indexicalité a été empruntée et adaptée par l’ethnométhodologie. Les
travaux de BAR Hillel « indexical expressions » ont aboutis à des
analyses de l'indexicalité des langues naturelles qui seront utilisées par Harold
Garfinkel. Dans « Studies in Ethnomethodologie –chapitre 1 »,
Garfinkel cite également HUSSERL qui parle d’ « expressions
indexicales » au-delà de la langue
des linguistes par opposition aux
expressions objectives :
« Husserl
a parlé d'expressions dont le sens ne peut être décidé par un auditeur sans
qu'il sache ou qu'il présume nécessairement quelque chose au sujet de la
biographie ou des objectifs de l'utilisateur de l'expression, des circonstances
de l'énonciation (utterance), du cours antérieur de la conversation, ou
de la relation particulière, réelle ou potentielle, qui existe entre le
locuteur et l'auditeur. Russel a observé que les descriptions qui comportaient
des expressions indexicales ne s'appliquaient, dans chaque occasion d'usage
qu'à une seule chose, et que ces choses auxquelles elles s'appliquent ne sont
plus les mêmes dans des occasions différentes. De telles expressions, écrit
Goodman, sont utilisées pour produire des affirmations non équivoques dont la
valeur de vérité semble néanmoins soumise au changement. Chacun de ces énoncés
constitue un mot et réfère à une certaine personne, à un certain moment, à un
certain lieu. Mais ce mot nomme quelque chose qui n'est pas nommé par une
réutilisation du mot. ».
Dans le même registre Alain Colon précise
également que « la vie sociale se constitue à travers le langage :
non pas celui des grammairiens et des linguistes, mais celui de la vie de tous
les jours »
Il en résulte que le langage de la vie de
tous les jours doit être indexé sur les situations locales où il a été aboutit
par ses acteurs. Les expressions du langage lors d’une conversation n’ont de significations que dans le contexte
auquel elles font référence et à la conditionnalité de l'énoncé par son annonceur. Le sens se
construit par l’assignation de situations qui conditionne le propos et le rend
au fur et à mesure compris et partagé par les autres membres.
Les membres de
chaque village
partagent le code qui leur
est propre et ce dernier est indexical pour les non membres. Le code est
dans toutes ces expressions du jargon
technique, du verlan, des dialectes, des sabirs
…etc.
Mais également les expressions déictiques comportent en eux un code indexical qu’il a besoin d’être
déchiffré et contextualisé. Se sont toutes ces expressions qui servent à
désigner et à démontrer ce qui doit être, tel que « je »,
« ici » et « etc. : et cætera ». Elles renvoient
également à la conditionnalité du contexte pour qu’elles soient comprises faute
de quoi leur signification voulue restera en suspend, et par conséquent
indécise, ce qui est loin d’être le cas dans la vie tous les jours.
« La communication est donc
possible (non interrompue) parce que nous assumons que nous nous comprenons
suffisamment pour que nous n’ayons pas à perturber l’interaction en nous en
préoccupant de clarifier les expression indexicales »
Le sens de
l’action dans le discours est dans son contexte. La signification ou le sens
d’un élément change d’un contexte à un autre. Le professeur Pierre Quettier, en
reprenant l’expression « expression indexicale » de Bar Hillel, propose l’explication suivante :
« Une expressions indexicales désigne tout élément
dans le discours dont le sens est susceptible de varier selon le contexte
d’occurrence et qui doit donc, tel un déictique, chercher son sens dans le
contexte de l’action »
Au-delà des
expressions déictiques, le professeur Jean François Dégerment, dans un
séminaire à Paris 8, explique que
l’indexicalité est la propriété d’un objet, un acte, un mot ou une
émotion d’avoir un signe. Il rajoute que chaque signe dispose d’un nombre
potentiellement infini de sens.
« Et
donc il n'y a pas seulement polysémie (nombre fini de sens possibles),
mais également création permanente de sens (et donc nombre potentiellement
infini de sens possibles), que, jusqu'à aujourd'hui du moins, seul l'homme
est capable d'interpréter et de réaliser »
Cela peut être
schématisé de la manière suivante : « Spain » à titre
d’illustration peut avoir plusieurs
sens :
- l’arbre
de sapin
- sapin de noël
- le nom de
monsieur ou madame
- ou comme dans
la chanson « ça sent vraiment le sapin » référence au désespoir…
- référence aux
mauvaises odeurs …
Le sens d’un
signe est imprédictible et cette imprévisibilité structurelle cesse
naturellement grâce à la réduction de l’Indexicalité. Cette réduction se traduit dans les faits par
le choix parmi tous les sens disponibles
dans le but de stabiliser la
signification.
Le sens d’un
signe est indicible, i.e. qu’on ne peut
le dire puisqu’il va de soi-même. Si le
sens du mot « sapin » est l’arbre, cette signification suffit à
elle-même car elle est supposée évidente
pour les membres vu le contexte.
Un objet comme symbole est un signe qui renvoie à un sens
décrivant ainsi une connaissance partagée. Une alliance par exemple comme
symbole décrit l’union entre deux
personnes.
Une autre
particularité de l’Indexicalité est dans les paramètres de l’action entre
membres. Lorsque le chef de projet informatique demande au développeur une
estimation de la charge du travail nécessaire, ce dernier demande plus de
détail sur le travail à faire. La
construction des spécifications techniques étant incomplète, le développeur ne
peut déterminer la charge de travail qu’il lui faut et par conséquent il
interroge le chef de projet. Un aller et retour entre les membres où chacun
essai de forcer son cadre contextuel. La gestion des paramètres de l’action est
une préoccupation permanente des membres pour limiter le répertoire d’actions
possibles. L’un ou l’autre des membres jouent sur les paramètres de l’action
qui est entrain de se dérouler afin de situer sa propre action.