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samedi 9 novembre 2013

Notions Ethnométhodologiques : Allants-De-Soi , Accountability , Réflexivité, Indexicalité et le sens commun

« ALLANT-DE-SOI » !  C’est quoi exactement ?

 Par exemple si tu suppose que la personne, à qui tu parle, comprend ce que tu lui dis alors ce qui est dit est un « allant-de-soi » pour toi et pour cette personne. Dire « salut ça va! » est une pratique sociale dans un village français, « hola  que tal ! » l’est  aussi dans un village espagnol  et comme « salam ! » dans un village marocain.  Ces 3 pratiques sociales sont des allants-de-soi dans chacun des villages. A un simple « bonjour » il va de soi, qui veut dire évident, de répondre par « bonjour » en France mais ce n’est pas le cas en Chine par exemple.      

Les allants-de-soi sont tout simplement ce qui est évident pour toi et pour les autres membres de ton village. Nous affirmons tous des choses évidentes que nous n’avons pas besoin de les expliquer à notre village parce que tout le monde autour de nous comprend ce qu’on veut dire. Ces  comportements ou pratiques sont transmis naturellement par les parents et la société et on continue à les faire ou les dires tous les jours mécaniquement sans se poser une quelconque question à leur utilisation ou leur origine . L’allant-de-soi est ce qui est tellement clair dans notre village qui ne l’est forcément pas pour un autre. Ces pratiques banales sont liées à un sens unique qui n’a plus besoin d’être décrit ou expliqué. Ça va de soi.  


Et dis moi papa comment je peux savoir quand je fais ou je dis quelque chose de banal pour moi l’est pour les autres aussi ?

Ah ! Justement l’ethnométhodologie nous a trouvé un superbe outil qui s’appelle le  « Breaching ». Il suffit de faire exprès de ne pas comprendre par exemple et observer la réaction de l’autre personne. Tiens ce soir par exemple tu peux t’amuser avec ta maman en ignorant ce que c’est qu’un « dîner » quand elle t’appellera pour le dîner justement. Au début il va faire semblant de ne pas t’écouter et si tu insiste un peu pour qu’elle t’explique la signification de cette pratique ou mot « dîner » tu verras que cela va l’agacer à la fin. Et à ce moment d’agacement tu peux lui expliquer que c’était un jeu de breaching. Cette petite expérience de breaching te permettra de  comprendre que cette pratique quotidienne « Dîner » est un allant-de-soi.
Il y a des multitudes de routines dans la vie de tous les jours, des allants-de-soi,  qu’on peut les tester tout simplement on les cassants par des expériences basées sur le  breaching. Le breaching lorsqu’il est pratiqué  surprend l’autre, il dérange même la personne qui ne comprend pas pourquoi il doit expliquer ce qui est évident pour lui et qui est censé être tellement clair  pour la personne en face.
Il arrive parfois d’être curieux de savoir comment l’autre voit réellement ces routines aussi banales pour toi et qu’elles ne le sont pas pour l’autre finalement. C’est en faisant ce que tu es entrain de faire que tu fais voir et rendre  claire à la personne qui te voit faire. Cette manière de faire est appelée en ethnométhodologie l’« accountability ».

Notions Ethnométhodologiques : Le Village et ses Membres

« TERRAIN », « VILLAGE » et  « MEMBRES » qu’est ce que tout cela veut dire exactement ?

Dis-toi que ton terrain d’étude est le milieu que tu as choisi pour faire ton observation et ton analyse.  Tu pourrais par exemple choisir l’école comme milieu d’étude. Moi par exemple j’ai mené mon étude dans l’entreprise dans laquelle je travaille actuellement. Le terrain est plus vaste et il définit un domaine large mais précis. Ton école est un milieu vaste où il y a plusieurs individus, ceux que tu connais et ceux que tu n’a peut être jamais vu mais pourtant ils font partie du milieu de l’école. Dans l’entreprise où je suis actuellement il y a des employés dans d’autres villes et que je n’ai jamais rencontrés. Et pourtant je considère que l’ensemble de ces gens qui sont répartis sur plusieurs services, plusieurs villes et dans d’autres pays font partie de la même entreprise et par conséquent de mon terrain d’étude qu’est l’entreprise. Le terrain est finalement un domaine précis et un milieu choisi par l’ethnologue pour faire son étude ethnométhodologique.
Il ne faut surtout pas confondre le terrain avec le village. Le village est plus petit que cela et il est beaucoup plus précis. Tu dois comprendre 3 choses par village : l’espace, le temps et les personnes. Imagine que ton village c’est ta classe dans l’école. L’espace est donc l’espace physique de la classe (bureaux, chaises, tableau, livres…), le temps correspond à l’époque où se déroule l’observation pendant ton étude (pendant que le cours est entrain de se faire par exemple) et les personnes se sont tes copains de classe ainsi que toi et le professeur. Le village est en quelque sorte une « Micro - société » à un moment donné  et toi ici entant qu’élève tu fais partie du village des élèves de ta classe. L’ethnologue doit définir clairement : son village auquel il appartient obligatoirement, à quel moment  il commence et termine son observation et avec quels membres.
Les personnes appartenant à un même village sont membres de ce celui-ci.  Dans un  village   les membres partagent entre eux, comme une sorte de communauté, le même langage naturel  et des routines en permanence  pour construire leurs réalités de tous les jours. Il est très important de comprendre qu’un membre est plus qu’une personne physique qui respire. Un membre est une personne qui a la faculté de s’adapter et d’inventer continuellement des manières de faire adoptées par le village et comprises par les autres membres.  Les membres d’un même village qui ne sont pas seulement des personnes physiques construisent régulièrement de cette manière une réalité sociale qui est finalement bien ordonné, cohérente  et elle n’est pas due au hasard.
Une personne qui n’est pas membre du village est considérée comme un étranger. Ce dernier ne pourra comprendre ce qui  s’est passé à l’intérieur de ce village que si on lui raconte toute l’histoire traduite et détaillée qui s’est dite et qui s’est produite  à un moment donné.
Un membre possède des manières d’être propres à lui qui font qu’il soit accepté et reconnu dans son groupe ou son village. Le membre n’a pas besoin de  justifier son appartenance à son village car cette dernière est acquise naturellement. Toi comme élève tu appartiens à ta classe et un point c’est tout, et moi également j’appartiens dans mon travail à mon service qui ne compte qu’une dizaine de personne. Nous deux n’avons nullement à justifier à nos villages respectifs notre appartenance à lui.

 Est-ce que je peux dire que ma famille est également mon village ?

Notre petite famille est un autre village auquel nous appartenons également et comme tu l’as bien compris un membre peut appartenir à plusieurs villages. Cette faculté pour un membre observateur d’appartenir à plusieurs villages au même temps est appelée « MULTI-APARTENANCE ».  Et en disant cela c’est de l’appartenance sociale que je fais allusion car nous vivons tous dans plusieurs « MICRO-SOCIETES » comme la famille, l’entreprise, l’école, les amis, le club de sport, le conservatoire de musiques, avec les voyageur dans un wagon de métro ….
Nous appartenons tous à un moment ou un autre à des villages différents. Mais à chaque moment que nous nous trouvons dans un village nous utilisons des attitudes naturelles et particulières comprises par les membres du même village où nous nous trouvons et cela dans plusieurs situations qui se présentent à nous. 
Chacun des « VILLAGES » finalement  décrit l’appartenance sociale d’un groupe et de chacun des ses membres. Le service informatique où je travaille actuellement me définit comme membres de mon village d’informaticien. C’est ta famille comme village qui te définit comme membre et par conséquent tu peux dire que tu appartiens socialement au village de ta famille.
Chaque membre d’un village est donc peut être considéré comme étant membre de celui-ci  et de plusieurs autres villages. Chaque individu est soumis à une appartenance multi village, il est donc multi-membre puisqu’il est membre dans  chacun de ses villages. Le membre partage les mêmes choses évidentes appelées «  ALLANTS-DE-SOI » spécifiques dans chacun des villages auxquels il appartient d’une manière permanente comme la famille  ou provisoire comme ta classe à l’école de cette année.

L’Ethnométhodologique expliquée à mon enfant

Ethnométhodologie

 -Courant sociologique américain né dans les années 60.
 -Rupture radicale avec les modes de pensée de la sociologie traditionnelle.
 -Nous sommes tous des sociologues à l’état pratique.[1]

Ce travail lexicographique est une étape préalable à la production du retour ethnométhodologique qui sera traité dans les prochains articles. Il a pour fonction principale de fournir le matériau pour la compréhension des situations humaines observées. Les concepts de l’ethnométhodologie seront présentés sur le principe du « métalogue »[2].

Dis papa, c’est quoi l’EHNO-METHODOLOGIE ?


Laboratoire humain

L’ethnométhodologie mon fils, est une science comme celles enseignées dans ton école comme les mathématiques, sciences de la vie et de la terre,la physique ou la chimie …etc. Elle fait partie plus exactement des sciences humaines et sociales. Les sciences humaines et sociales dont elle fait partie l’ethnométhodologie étudient l’espèce humaine, leurs modes de vie et leur comportement individuel et collectif. Dans ces sciences tu trouveras la sociologie dont dépend directement l’ethnométhodologie mais aussi l’économie, l’histoire, la géographie, l'archéologie, l'anthropologie, la psychologie, la communication … etc. Comme l’ethnométhodologie fait partie de la sociologie et que la sociologie fait partie des sciences sociales tu vois bien que l’ethnométhodologie fait partie des sciences humaines et sociales. Sauf que l’ethnométhodologie est un petit peu différente de la sociologie dite classique. L'Ethnométhodologie mon fils est donc une science à part entière..


Tu ne dois pas confondre L'ethnométhodologie avec une méthodologie. Le terme « ethno » veut dire « des gens », et « method » « des méthodes », (o) « logie » veut dire « l'étude ». L’ethnométhodologie est donc l'étude des méthodes qu’utilisent les gens pour faire leurs activités de tous les jours. Ce que nous sommes entrain de faire toi et moi ici et maintenant peut être étudié par un ethnométhodologue comme toi par exemple.

Tu dis que l’EHNO-METHODOLOGIE est différente de la SOCIOLOGIE CLASSIQUE, quelle est donc cette différence ?

Rappelles toi simplement mon enfant que l’ethnométhodologie est une science qui s’intéresse aux attitudes quotidiennes et naturelles des gens. Celui qui étudie comment la vie de tous les jours de ces gens est entrain de se produire doit être parmi eux et bien accepter par eux. Tout le monde peut être sociologue en observant et participant à son milieu. Pour bien comprendre et saisir ce qui est entrain de se passer, l’ethnométhodologue doit être armé par sa boite à outils ethnométhodologique. Avec ses outils, l’ethnométhodologue dispose de plusieurs dispositifs qui lui permettront de démonter délicatement les interactions qui se passent entre les gens pour bien comprendre comment ils font pour faire ce qu’il sont entrain de faire. Ce qui peut paraître comme banale pour toi dans une conversation dans un groupe de gens cache des détails extraordinaires qu’on peut les découvrir grâce à ses outils.


-L’ethnométhodologue avec son journal de terrain et sa boite à outils


L’ethnométhodologie est en quelque sorte une micro sociologie, et avec quelques notions de bon sens tout le monde peut la comprendre et l’expérimenter dans la vie réelle.
La sociologie classique s’intéresse bien évidement à l’espèce humaine mais contrairement à l’ethnométhodologie elle est réservée à une élite, à des chercheurs sociologues qui ont fait des études à l’université ou dans des institutions spécialisées. Celui qui pratique la sociologie classique observe les gens de l’extérieur et il  n’appartient pas obligatoirement à ce groupe de gens. Il utilise des outils différents comme le questionnaire, le sondage, les statistiques, l’enquête, les mathématiques …etc.

Ce qu’il faut retenir est que les deux sciences tentent de nous expliquer les modes de vie des gens et  que toutes les deux font partie des sciences sociales. Alors que la sociologie classique essaie de les expliquer par des chiffres, l’ethnométhodologie essaie de comprendre simplement comment les gens se comprennent par le langage ou des signes, et comment ils se mettent d’accord ou pas.  Mais seule l’ethnométhodologie est capable de nous expliquer comment des situations réelles entre les gens se sont produites réellement. 

Et comment  le mot « Ethnométhodologie » a été inventé ?

Figure toi mon fils qu’un certain monsieur qui s’appelle HAROLD GARFINKEL, un sociologue américain, l’a trouvé par hasard lorsqu’il feuilletait un catalogue qui traitait d’autres sciences comme l’ «  Ethno botanique », l’« Ethno physique », …etc. Comme son travail à cette époque consistait à observer des gens, un groupe de gens ordinaire  comme des jurys de tribunal, en les décrivant comme un « extraordinaire phénomène méthodologique », il a eu l’idée d’appliquer la même appellation « Ethnométhodologie ». C’est HAROLD GARFINKEL lui-même qui explique cette trouvaille dans un de ces livres. Il disait qu’il a choisit ce nom pour bien se rappeler ce qu’est réellement cette manière d’étudier les différentes manières utilisées par des gens ordinaires comme toi et moi pour construire la vie ordinaire entre nous.  Toi et moi par exemple nous nous comprenons machinalement en dialoguant ou en faisant des gestes, des mimiques, par le toucher  et des fois sans même faire un geste et sans prononcer un mot il peut se passer quelque chose de compréhensible entre nous. Et toi tu pourras naturellement, avec de l’exercice, détecter et décrire ce qui est entrain de se passer au même temps que l’action se passe. Et celui qui pratique l’ethnométhodologie est appelé « Ethnologue » ou « Ethnométhodologue ». C’est un peu près cela que le mot Ethnométhodologie fait référence et c’est pour cela qu’elle a été inventée au départ.

C’est j’ai bien compris cela nous permet de savoir comment les gens arrivent à se mettre d’accord à la fin ou pourquoi des fois ils ne parviennent pas. Et alors à quoi l’ethnométhodologie pourra nous servir finalement ?

Vois-tu par exemple moi cela m’a permis de changer la façon de travailler dans l’entreprise. Après avoir observé longuement mes collègues avec qui je travaille tous les jours, je me suis rendu compte que malgré que nous sommes tous différents et nous partageant le même langage dans le travail, chacun avait ses propres préoccupations, ses objectifs et ses besoins pour mieux se sentir accepté par les autres. En comprenant cela, j’ai pu mener ma propre expérience sur un travail et le résultat du travail de groupe était nettement meilleur par rapport à avant.  Le plus important ce n’est pas la nouvelle méthode que j’ai expérimenté avec mes collègues de travail  mais ce qui se passe, ce qui fait que les gens se mettent d’accord pour mieux  travailler et comment font-ils cela. L’ethnométhodologie a trouvé son utilité aussi  par exemple dans les hôpitaux, les administrations publiques. Dans les écoles on pourra mener une étude pour comprendre ce qui marche bien et ce qui marche moins. C’est le travail d’un ethnométhodologue qui permettra de nous décrire d’après ses observations pour comprendre comment fonctionnent le travail des professeurs dans la réalité de tous les jours et leurs relations entre eux et avec les élèves, et non pas à travers les cahiers de liaison, les rapports ou les planning de travail de chaque classe. 

Et comment l’ethnologue doit faire ?

Tout d’abord l’ethnologue doit choisir :
-    - Le terrain dans lequel il souhaite travailler (école, entreprise, club de sport,…).
-    - les gens qu’il souhaite  intégrer dans ce qu’on pourra appeler « VILLAGE ».
S’il n’est pas déjà membre à ce village il doit y être. Un ethnologue doit faire partie du même village : il doit parler la même langue que les autres personnes, il comprend leurs cultures et leurs manières de faire de tous les jours.
Ensuite il doit tenir un journal de terrain pour écrire tous les jours  ses observations tout en restant neutre sur ce qui se passe entre ces gens, ce qui se dit au sein du village, et les méthodes utilisées par les gens du village.
Une fois que l’ethnologue a terminé sa mission d’observation, il se met à étudier le journal du terrain et éventuellement des enregistrements audio ou vidéo afin de mettre en évidence les « ETNO- METHODES »  utilisées  par les « MEMBRES » du « VILLAGE ».




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[1] COULON Alain, « L’ethnométhodologie », Paris, Editions PUF, 2007, p.3


[2]  Que signifie le terme de métalogue ?
L’anthropologue, psychologue et épistémologue américain Gregory Bateson décrit le métalogue comme suit :
« Un métalogue est une conversation sur des matières problématiques : elle doit se constituer de sorte que nous seulement les acteurs y discutent vraiment du problème en question, mais aussi que la structure du dialogue de son ensemble soit, par elle-même, pertinente au fond. […]»[2.1].

Bateson dans son ouvrage, Vers une écologie de l'esprit (tome1)[2.2], explique le métalogue comme un ensemble de conversations dont le dialogue instruit le problème traité. Dans ce dialogue l’enfant, porté par sa curiosité, interroge son père sur des sujets divers et variés. Il s’agit en quelque sorte d’un jeu de questions et réponses à travers la communication d’une idée ou d’une émotion sur des sujets problématiques.
Afin de compléter ma compréhension des concepts ethnométhodologiques, des illustrations enrichiront le jeu de la conversation. Il s’agit d’un ensemble d’explications sur le sujet, qui s’accordent à considérer les interactions humaines comme un laboratoire de recherche  accessible au savant comme au profane:

« […] en accordant aux activités banales de la vie quotidienne la même attention qu’on accorde habituellement aux événements extraordinaires, on cherchera à les saisir comme des phénomènes de plein droit. »[2.3]


[2.1] BATESON Gregory, Vers une écologie de l’esprit 1, Edition du Seuil, 1977, p.27
[2.2] Ibidem
[2.3] COULON Alain, « L’ethnométhodologie », Paris, Editions PUF, 2007, p.23